En termes de libertés publiques, la Birmanie a fait un bon gigantesque. De plus mauvais élève de l’ASEAN (l’Association des Nations de l’Asie du sud-est), la Birmanie est en passe de devenir un modèle pour ses voisins.

Malheureusement, le changement ne bénéficie pour l’instant, il faut bien le dire, qu’à une minorité, les plus riches et la classe moyenne, dans les plus grandes villes du pays. Pour l’immense majorité des Birmans, pauvres des villes et les 70% de paysans que compte le pays, la vie reste toujours aussi difficile. Malgré tout, on voit bien que l’économie se développe assez vite : les rues de Yangon et de Mandalay se congestionnent de voitures, les magasins regorgent de téléviseurs, frigos, fours micro-ondes qui s’écoulent visiblement très bien, et les supermarchés fleurissent à vue d’œil, où l’on trouve jusqu’à notre chère vache qui rit. Comme dans les autres pays en voie de développement, les inégalités se creusent.

Pour ce qui est de l’Arakan (ou Etat Rakhine), la réalité est que les membres de la NLD sont des Birmans comme les autres et que, comme les autres, ils font montre, à l’égard des Rohingyas, d’un racisme sans nom. Il était d’ailleurs intéressant, même si fort triste, de constater le décalage entre les Birmans, journalistes, membres de l’opposition, membres d’ONG, salariés des Nations unies, même, et leurs interlocuteurs étrangers. Pour autant, de nouvelles forces sont apparues. La société civile a pris une place importante dans un système où les ponts entre le gouvernement et les autres composantes de la société sont nombreux. De façon directe, certains des membres de la troisième force sont devenus des conseillers très influents, qui entourent le président Thein Sein et ses plus proches ministres. Et n’oublions pas tout de même qu’une douzaine de partis démocrates sont apparus en 2010, et qu’ils sont présents, et actifs, dans les différents parlements.

L'armée restera encore longtemps une institution-clé dans la politique birmane, comme elle l’est dans toutes les démocraties de la région, en Thaïlande, en Indonésie ou aux Philippines par exemple. Le seul échec du gouvernement, c’est le conflit Kachin. Là, de puissants intérêts financiers des leaders kachins, des Chinois et des chefs militaires birmans locaux s’affrontent, auxquels s’ajoutent un réel sentiment de ne plus être maîtres chez soi que ressentent les Kachins, qui rendent la résolution du conflit difficile. Mais aucune des trois parties, Birmans, Kachins et Chinois, ne peut se permettre que ce conflit dure. La Birmanie pourrait elle aussi voir son centre se développer pendant que les zones les plus reculées ne cesseraient de prendre du retard.

Je ne crois pas que les réformes vont marquer le pas. Mais on rentre incontestablement dans une nouvelle phase. Maintenant que le processus est sur la bonne voie, et en attendant les élections de 2015, nous devrions assister à trois années peut-être moins spectaculaires, où un travail long, difficile et souvent frustrant se fait, au sein du gouvernement, dans les Parlements, parmi les hauts-fonctionnaires, dans les appareils des partis politiques, dans les salles de rédaction des médias nouvellement libres, parmi ceux des militants qui vont créer les premiers syndicats, dans un secteur privé qui a beaucoup à apprendre, etc., le tout avec l’aide des voisins plus développés, de l’Occident, des Nations unies, des institutions financières internationales, et des experts auxquels le gouvernement fait appel. Rien de tout ceci ne donne lieu à une grande couverture médiatique, mais de bien des façons, c’est là que la transition se joue vraiment.

2013.01 Asie Info le-nouveau-visage-de-la-birmanie 1

2013.01 Asie Info le-nouveau-visage-de-la-birmanie 2

2013.01 Asie Info le-nouveau-visage-de-la-birmanie 3