On estime à 240 000 le nombre de personnes porteuses du VIH en Birmanie. Le sida y est l’une des premières causes de mortalité, avec le paludisme et la tuberculose. Cette situation est d’autant plus préoccupante que le système de santé a été, pendant des années, placé sous la responsabilité directe de la junte militaire, restreignant au possible l’accès aux soins et limitant l’intervention de la communauté internationale. Le budget de l’Etat consacré à la santé représente 2% du PIB, ce qui a valu au système de santé birman d’être classé par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) comme l’un des plus faibles au monde – 190e rang mondial sur 191. La paralysie dans laquelle il a été plongé durant des décennies, avec une prévention inexistante et un manque cruel de moyens, s’est accompagnée d’une discrimination envers les populations les plus à risque. Prostituées, toxicomanes, homosexuels, ont été et sont encore la cible d’une stigmatisation qui entrave leur accès à la prévention et aux soins.

« Se libérer de la peur » : ces mots d’Aung San Suu Kyi résonnent ici plus que jamais. La peur sociale, liée au sida, éloigne et isole les populations séropositives du reste de la société. C’est cette discrimination même que la Dame de Rangoun entend combattre, et qu’elle a toujours combattue, depuis le début de l’épidémie. Il y a quelques années déjà, face à une pénurie préoccupante de moyens et une absence totale de prise en charge par l’Etat, son propre parti la LND avait ouvert plusieurs cliniques gratuites. Ces centres de soins, gérés par des volontaires, apportent un soutien médical mais aussi psychologique à une population en marge de la société. Les personnes contaminées sont souvent rejetées par leur propre famille.

Les populations les plus touchées le sont surtout et d’abord par manque d’information. Méconnaissance de l’épidémie, de sa transmission, du dépistage et des éventuels traitements, tel est le véritable fléau du sida. C’est pourquoi les centres de santé mènent des actions de sensibilisation et forment leurs propres patients, prostituées et usagers des drogues, sur les modes de contraction du virus. Ces « éducateurs de santé » sont chargés, à leur tour, de délivrer autour d’eux des messages de prévention. Certains distribuent des préservatifs, d’autres des seringues stériles. Ainsi se crée un climat de confiance et de responsabilisation primordial dans cette lutte contre le VIH. L’intégration des personnes séropositives est l’une des missions du Myanmar Positive Group, le réseau national des personnes atteintes du sida : « Les personnes infectées et vivant avec le VIH connaissent mieux que quiconque ce qui marche et comment arriver au meilleur résultat », déclare le président du groupe. Cette démarche s’inscrit dans le programme fixé par le Plan stratégique national de lutte contre le sida lancé par le Ministre de la Santé, Dr Pe Thet Khin, en juin 2011. Ce plan engage le gouvernement à travailler de concert avec les ONG, les communautés et les associations pour atteindre l’objectif d’un accès universel aux services anti-VIH d’ici 2015. Un tournant est en train de s’opérer en Birmanie. La riposte au sida est engagée, les taux des nouvelles infections ont diminué sensiblement, mais le pays devra faire face à un certain nombre de défis majeurs : les sources de financement sont encore très limitées, les lois punitives et les pratiques discriminatoires envers les populations touchées doivent être réformées. Il ne peut y avoir d’accès à la santé sans respect des droits de l’homme : les deux sont inextricablement liés

2012.12.05 Affaires strategiques