A l'approche de la mousson, l'inquiétude grandit dans l'extrême-nord birman pour les dizaines de milliers de civils déplacés par les combats entre l'armée et des rebelles, qui se poursuivent malgré les discours de paix du nouveau gouvernement. Les agences de l'ONU luttent pour fournir abris, eau et nourriture dans les camps de l'Etat Kachin, où les risques de paludisme et d'épidémies diverses augmentent chaque jour. L'accès est particulièrement difficile dans les zones contrôlées par les rebelles kachins, dans ces massifs qui bordent la Chine et seront plus isolés encore à l'arrivée de la mousson, en mai. "La météo sera lourde de conséquences pour tous les déplacés", averti Aye Win, un porte-parole de l'ONU à Rangoun, pour qui il est urgent de trouver une "solution pour que l'aide soit livrée le plus vite possible". Une sonnette d'alarme que l'ONG Refugees International avait déjà tirée il y a plusieurs semaines, en mettant en garde contre une "crise humanitaire grave" dans la région.

Les Kachins, une minorité ethnique majoritairement chrétienne dans un pays bouddhiste, représentent environ 7% des 60 millions de Birmans. L'Armée pour l'indépendance kachin (KIA), qui compterait plusieurs milliers d'hommes, était l'une des rébellions les plus puissantes du pays mais avait signé un cessez-le-feu en 1994 avec la junte. De très violents combats ont pourtant repris en juin 2011, notamment autour de projets de barrages financés par la Chine.

"Quand les mines ont explosé près de chez nous, c'était comme un séisme. Nos maisons ont tremblé. Nous avons vraiment eu peur", se rappelle Khun Mai, 37 ans, en berçant son bébé dans un camp de fortune autour d'une église à Myitkyina. La capitale de l'Etat étant relativement facile d'accès, elle bénéficie, avec sa famille, d'un abri en bambou et de nourriture distribuée par des associations locales et le Programme alimentaire mondial (PAM) de l'ONU. Khun Mai avait fui la ville de Laiza, que la KIA maîtrise, en juin dernier pour rejoindre une zone contrôlée par le gouvernement. Mais plusieurs de ses proches sont morts en chemin, tués par des mines ou la maladie. "Mes enfants pensent qu'ils devront fuir pour toujours".

Selon un rapport de Human Rights Watch qui doit être publié mardi, environ 75.000 Kachins ont été déplacés par le conflit. L'organisation accuse l'armée birmane de tortures, viols, travail forcé sur les lignes de front et blocage de l'aide humanitaire. Mais les rebelles, qui utiliseraient des enfants soldats et des mines antipersonnel, sont également dans la ligne de mire. Quant aux déplacés, ils craignent que même un accord de paix ne mette fin à leur calvaire. "L'armée fait ce qu'elle veut dans notre région", soupire Aung Mai, responsable religieux de 39 ans, réfugié dans un camp de la ville de Bahmo. Et si la paix demeure l'une des principales demandes de la communauté internationale, pour les réfugiés, elle n'est qu'une utopie.

2012.03.19 Le Nouvel Obs les-deplaces-du-nord-revent-de-paix