Plusieurs régions sont encore en proie à une profonde instabilité, des attaques armées continuent d'être perpétrées par des soldats de l'armée birmane, et ce malgré l'ordre donné par le président Thein Sein de mettre un terme à ces attaques. Actuellement, le cas de l'Etat Kachin, au nord du pays, en est l'exemple le plus probant.

Juliette Louis-Servais, chargée de mission du CCFD-Terre Solidaire, revient d'une mission dans cet Etat. Elle témoigne d'exactions graves commises dans le cadre du conflit : "Tous nos partenaires et associations de développement non politisés, ainsi que plusieurs réfugiés m'ont fait état de pillages systématiques des villages, d'attaques contre les civils, d'acte de tortures et de violence sexuelle".

Dans les zones de conflits, qu'ils soient latents ou ouverts, les populations les plus vulnérables sont souvent les femmes et les enfants. Outre le travail forcé et les déplacements de populations, un autre crime ignoble continue d'être commis à leur encontre par les soldats de l'armée birmane, et ce, en tout impunité : l'utilisation du viol et de la violence sexuelle comme arme de guerre. L'utilisation systématique et généralisée du viol par les soldats de l'armée birmane à l'encontre des populations civiles des régions ethniques vise à soumettre et à briser les communautés que les autorités soupçonnent de soutenir les groupes armées de ces régions. Cette pratique a été documentée depuis 1996 par de nombreuses organisations issues de ces minorités ainsi que par les Nations unies.

Un rapport publié par la Kachin Women's Association(KWAT) en octobre 2011 montre que l'utilisation du viol comme arme de guerre continue, en dépit de l'arrivée au pouvoir du nouveau gouvernement dit civil en mars 2011. Entre juin et septembre 2011, dans l'Etat Kachin et le nord de l'Etat Shan, la KWAT a pu collecter les témoignages de "(…) 34 femmes et fillettes qui ont été violées par des soldats de l'armée birmanes ou des par des individus apparentés au régime au pouvoir. Ces viols ont été perpétrés à l'encontre de femmes et de fillettes âgées de 9 à 50 ans. Beaucoup d'entre elles ont été violées de façon répétée, par plusieurs hommes. Au moins 15 des victimes ont été tuées après avoir été violées." Etendue aux territoires karen et shan, la Ligue des femmes birmanes a recensé en 2011 plus de 80 cas de viols, dont 35 femmes exécutées.

Malgré les preuves qui s'amoncellent, les appels à la justice et à l'établissement de la vérité portés par les organisations de femmes en Birmanie n'ont pour l'instant pas abouti. Une commission internationale d'enquête, soutenue il y a peu par plusieurs pays dont la France et les Etats-Unis, est aujourd'hui au point mort, la communauté internationale préférant concentrer ses efforts sur le processus d'ouverture politique.

2012.03.08 Le Monde en-birmanie-le-viol-continue