"C'est notre rêve de publier un magazine papier ou en ligne en Birmanie", explique Aung Zaw, fondateur du site d'informations Irrawaddy, installé en Thaïlande. Le journaliste vient d'effectuer son premier voyage en Birmanie depuis le soulèvement populaire de 1988 et en est revenu séduit. "Je pense que les autorités prendront en compte ma demande si nous voulons publier en Birmanie".

Reste, pour les exilés, la question stratégique du calendrier. Selon Aung Zaw, de nombreux journalistes ont suggéré à l'Irrawaddy de "rester en Thaïlande jusqu'à 2015", date des prochaines législatives, le temps de s'assurer que les réformes auront tenu la distance. "Les lois qui restreignent la liberté de la presse sont toujours là", c'est "trop risqué" pour l'instant, confirme Maung Maung Myint, président de l'Association des médias birmans (BMA) qui compte principalement des exilés.

A Naypyidaw, le ministère de l'Information affirme que la voie est libre. Ye Htut, directeur général du ministère, a indiqué à l'AFP qu'il n'y avait "pas de restrictions" sur les médias exilés. "Nous leur demandons seulement une couverture juste et équilibrée". Mais la nouvelle loi sur la presse, en cours de rédaction, se limite à la presse imprimée. Et "il manquera encore un pluralisme, des pratiques et d'inscrire ça dans la durée", relève Benjamin Ismaïl, responsable du bureau Asie de Reporters sans frontières.

Les médias en exil n'ont donc d'autre choix que d'y aller pas à pas. Le rédacteur en chef de Mizzima, une agence basée en Inde, a indiqué au Myanmar Times être "prêt à installer un bureau à Rangoun". Idem pour l'Irrawaddy. Quant à la DVB, la première étape sera de "légaliser les opérations dans le pays" et prévenir toute nouvelle arrestation, souligne son directeur adjoint Khin Maung Win.

"Les médias exilés disparaîtront quand la Birmanie deviendra une société véritablement démocratique", note sans détour Maung Maung Myint. Mais en attendant, les bailleurs de fonds internationaux, tentés de privilégier des projets à l'intérieur du pays, doivent continuer à les soutenir, plaide-t-il.

Quelle que soit leur affectation future, ces professionnels de l'information anglophones et expérimentés seront déterminants dans un pays où le principal quotidien, New light of Myanmar, est un triste et dogmatique porte-parole du pouvoir.Des responsables "ont dit qu'ils voulaient que nous fassions de la formation et que nous apportions les normes de qualité du journalisme", se réjouit Aung Zaw. "S'ils sont sérieux, je suis prêt".

2012.02.26 Le Nouvel Obs la-tentation-du-retour-pour-les-medias-en-exil