Sortie du livre "Nay Pyi Taw une résidence royale pour l'armée birmane"

La capitale birmane est un lieu si étrange qu'elle justifiait d'être décryptée dans le menu détail pour mieux comprendre les évolutions d'un pays désormais très courtisé par la communauté internationale et qui se présente, très officiellement, comme une "démocratie disciplinée, florissante et épanouie" tout en ayant encore des centaines de prisonniers d'opinion incarcérés.

Rassembler de la documentation sur la République de l'Union du Myanmar puisque tel est le nom du pays depuis octobre 2010, est une véritable gageure. Même la dénomination de la future capitale est restée longtemps un mystère pour les citoyens birmans et les étrangers. Son accès fut prohibé et jusqu'à l'automne 2010, on ne pouvait y détenir un téléphone portable.

Le territoire de la région-capitale (7 045 km²) est très largement une terra incognita. Sa découverte est une tâche immense. Pour la première fois dans l'histoire birmane, la capitale ne bénéficie d'aucun rayonnement historique, spirituel ou culturel. L'attractivité de l'emplacement est très limitée tant les carences sont patentes : pas d'activités industrielles ni artisanales, pas de transports publics, des centres administratifs très dispersés, pas de pôles de loisirs, pas d'installations sportives, pas d'activités culturelles et encore moins de centres universitaires. Rien n’a été fait et est fait pour inciter les citoyens à venir habiter leur nouvelle capitale et guère plus pour les touristes, bien que quelques hôtels aient ouvert récemment leurs portes. La sacralisation du territoire manifestée par l'érection de la pagode géante d'Uppatasanti n'y changera rien.

Les raisons qui ont conduit au déplacement de la capitale à 320 kilomètres au nord de Rangoun et près de 400 des côtes de la mer d'Andaman suscitent encore bien des conjectures. Initiée au début des années 2000, la construction des infrastructures a été conduite dans le plus grand secret et menée comme une opération militaire de grande envergure. La délocalisation des centres de pouvoir de la junte fut interprétée par certains comme un moyen de se prémunir d'une invasion étrangère. Comme s'il s'agissait de détourner l'attention des curieux du développement de la zone militaire située au sud de Yézin.

La Résidence des rois, la Cité royale, puisque telle est la traduction du nom de la capitale, risque donc de n'avoir été qu'une immense source d'enrichissement pour les affidés du régime et s'avérer un ghetto protecteur pour les chefs de ses armées. Une perspective peu rassurante pour l'avenir de la démocratisation birmane et des parlementaires élus auxquels Aung San Suu Kyi devrait se joindre après les élections partielles d'avril 2012

2012.02.02 Nonfiction.fr - Nay Pyi Taw une résidence royale pour l'armée birmane