Le chanteur de hip-hop Zayar Thaw se présente aux élections législatives partielles du 1er avril sous les couleurs de la Ligue nationale pour la démocratie, le parti d'Aung San Suu Kyi. Une façon, pour cet opposant qui a déjà goûté à la prison, de continuer le combat par un autre moyen.

A 31 ans, ce chanteur a déjà passé trois ans en prison pour son opposition pacifique au gouvernement. Mais, au cours des derniers mois, une détente aussi soudaine que fragile s’est amorcée dans tout le pays, et, en avril prochain, il se présentera aux élections législatives partielles (48 sièges à pourvoir sur les 664 que comptent l'ensemble des Parlements nationaux et régionaux) sous les couleurs de la Ligue nationale pour la démocratie (LND), le parti dirigé par la lauréate du prix Nobel de la paix, Aung San Suu Kyi.

La circonscription briguée par Zahar Thaw est située à Naypyidaw, la nouvelle capitale construite (par la dictature) en pleine jungle en 2005. C’est le siège anciennement occupé par le président Thein Sein. Si le chanteur de hip-hop l’emporte, sa victoire aura un sens symbolique pour le mouvement démocratique et pour la jeunesse birmane,

En tant que musicien, Zayar Thaw a bien connu le vieux système, dans lequel les paroles, les maquettes, les enregistrements et même les pochettes des CD devaient être soumis à l’approbation des autorités. Son groupe, Acid, s’efforçait de faire passer des messages politiques et il arrivait souvent que ses disques soient interdits. La censure était parfois absurde. "Dans les années 1990, nous avons écrit un morceau sur une rose, raconte Zayar Thaw. A l’époque, c’était le nom de code utilisé par la branche spéciale pour désigner la 'dame de Rangoon'. Mais nous ne le savions pas, notre morceau traitait simplement d’une rose. Ils l’ont pourtant censuré."

Dans d’autres cas, les soupçons des autorités étaient fondés. Le chanteur et compositeur Saung Oo Hlaing a connu un énorme succès avec un morceau intitulé Song to Mother. "C’est une chanson dédiée à la 'dame', à l’époque où elle était assignée à résidence, dit-il. Les censeurs ne l’ont pas interdite car ils pensaient qu’elle parlait de ma mère."

En janvier, le célèbre comédien et prisonnier politique Zarganar, lui aussi récemment libéré, a organisé un festival du film indépendant, dont la plupart des œuvres sont hostiles au régime. L’un des lauréats, Ban That Scene, est un film satirique sur l’hypocrisie et la corruption du système de censure, mais les censeurs n’ont même pas demandé à le visionner. Pour l’heure, les musiciens ne jouissent pas de la même liberté, mais ce jour n’est peut-être pas loin. Pour collecter des fonds à des fins électorales, la LND a enregistré un single auquel une bonne partie du milieu de la pop, épargné par les mécanismes habituels de la censure, a contribué.

Acid est l’un des interprètes de l’album, mais, si Zayar Thaw est élu aux législatives, il pourrait interrompre sa carrière de musicien. "Le gouvernement a un peu changé, c’est vrai, dit le chanteur, mais qu’il continue sur sa lancée ou pas, nous devons poursuivre notre tâche. On ne peut pas se contenter d’attendre."

2012.02.14 Courrier International - The Times - le-jour-ou-le-rappeur-deviendra-depute