Alors qu’il y a encore un an, le pays était dirigé par une junte militaire prédatrice et l’un des plus fermé au monde, il est difficile d’imaginer que les militaires se soient convertis à la démocratie. Quelles sont alors les motivations qui les poussent à entamer des réformes qu’ils ont refusées pendant des décennies? Quelles sont les perspectives réelles de démocratisation et d’amélioration des conditions de vie du peuple birman?

Au mois de septembre 2011, le Président a offert d’ouvrir le dialogue avec l’ensemble des groupes armés sans conditions préalables. Trois principaux groupes ethniques ont depuis signé un accord de cessez le feu et des contacts ont été établis avec la plupart des autres groupes. Sur le terrain la situation reste encore conflictuelle et les populations n’ont pas vu d’améliorations significatives de leurs conditions de vie. Les groupes armés restent sceptiques quant aux intentions du gouvernement. Une paix durable ne pourra se faire sans que soient prises en compte leurs revendications qui portent sur l’égalité des droits, l’autonomie et le développement économique et la question du fédéralisme de l’État birman.

Les réformes du gouvernement, encore impensables il y a un an ne sont pas le résultat d’une conversion à la démocratie. Durant 60 ans, les militaires au pouvoir ont pillé les ressources du pays, aujourd’hui l’un des plus pauvres de la planète alors même qu’il regorge de richesses naturelles. Les «avancées» que salue la communauté internationale ont pour objectif d’obtenir la levée des sanctions économiques internationales qui permettraient les investissements étrangers dans le pays. Le développement économique potentiel de la Birmanie aiguise les appétits des multinationales. D’où un défilé de représentants des puissances occidentales (États-Unis, Australie, Union européenne, France, Norvège, Grande Bretagne…) qui font les VRP des grandes entreprises nationales et multinationales en attendant la levée des sanctions économiques.

Les réformes ont aussi eu des conséquences sur les relations de la Birmanie avec ses voisins et en premier lieu avec la Chine. La junte militaire a toujours maintenu des liens très forts avec Pékin. La Chine a investi des milliards de dollars dans le pays en infrastructures et en contrats d’achats des matières premières sans que la population birmane n’en tire de bénéfice. Parmi les grands projets, Pékin avait entrepris en 2009, la construction du gigantesque barrage de Myitsone sur la rivière Irrawaddy, dans l’État Kachin. 90 % de la production devait être acheminé dans le Yunnan en Chine. Dès la signature du contrat en 2006, le projet a rencontré une opposition très forte, en particulier parmi les Kachin. Mais avec la libéralisation en cours, les critiques ont eu un écho au niveau national. Devant la force de l’opposition, le Président a préféré suspendre sine die la construction du barrage sans même prévenir Pékin. Cette décision semble indiquer une volonté du gouvernement d’élargir ces soutiens au niveau international et de ne pas rester trop dépendant de Pékin. D’autre part, le passage d’une dictature militaire à une démocratie (de façade) n’est pas chose aisée. Le Président Thein Sein a passé un accord avec Suu Kyi pour pouvoir mener des réformes sans bouleversements de la rue. Le mouvement social qui s’est développé autour du barrage de Myitsone semble indiquer que la chose pourrait ne pas être aussi aisée.

2012.01.26 NPA Quel vent nouveau souffle en Birmanie?