Pas d'écoles ni d'hôpitaux et surtout pas d'êtres humains. Sur les boulevards à huit voies rapides, une voiture passe toutes les dix minutes. Des ronds-points somptueux, avec sculptures de fleurs géantes et jets d'eau, ponctuent régulièrement le paysage. Érigée au milieu de nulle part dans le plus grand secret, Naypyidaw, la demeure des rois en birman, était jusqu'à ces derniers mois interdite aux étrangers. Le général Than Shwe, ex-leader réputé pour sa paranoia et sa superstition, y a déménagé du jour au lendemain la capitale du pays, pour « raisons de sécurité ». Il avait choisi la date du 11 novembre 2005 à 9 h 20 précises, après avoir consulté des astrologues

La ville revendique 300 000 habitants. Difficile à croire, quand on arpente ses rues invariablement désertes. La gigantesque route principale semble ne jamais finir, la ville s'étend sur des dizaines de kilomètres. La ville, façon de parler : de part et d'autre de la route, à perte de vue, des champs en friche. Au milieu des champs, des chantiers, de futurs hôtels, dont on se demande bien quels hôtes ils sont censés héberger.

Le business de pierres précieuses est l'une des principales activités de la ville. Uma, 22 ans, travaille dans le commerce de diamants. Elle est surprise de voir des occidentaux. « Il y a des clients étrangers qui viennent, dit-elle, mais la plupart sont chinois. »

Naypyidaw est une ville d'hommes. Aux terrasses des quelques restaurants, des fonctionnaires attablés. Leurs femmes sont en général restées à Rangoun, l'ancienne capitale, avec les enfants. « Les familles ne veulent pas venir à Naypyidaw parce qu'il n'y rien à faire », explique un jeune fonctionnaire.La plupart des fonctionnaires rejoignent pour le week-end leur ville d'origine. Les autres habitants sont les ouvriers venus en masse construire la ville nouvelle. La peau plus foncée que les fonctionnaires, ils appartiennent souvent à une minorité musulmane qui vient de l'Arakan, région frontalière avec le Bangladesh, l'une de zones les plus pauvres du pays. Les inégalités entre ethnies continuent à miner l'unité du pays.

À l'extérieur, à quelques dizaines de mètres de là, dans un champ sur le bord de la route, des paysans vivent dans des huttes décrépites. À la tombée de la nuit, ils sortent, juchés sur des charrettes chargées à craquer de foin, tirées par des buffles. Ils se traînent lentement sur le bord de la voie rapide déserte.

2012.01.17 Ouest FranceNaypyidaw-capitale-fantome