En décembre 2011, le département de la surveillance et de l'enregistrement des organes de presse a annoncé que 54 journaux et magazines, traitant pour l'essentiel de sujets de société et d'économie, ne seront plus soumis à l'approbation de cet organisme chargé de vérifier le contenu de tout article avant publication. Ce très orwellien contrôle de la presse fait de l'Union de Myanmar l'un des pays les plus répressifs du monde en matière de censure. La plupart des médias restent encore sous cette surveillance, même si celle-ci est moins sévère. Les censeurs ont laissé entendre qu'une nouvelle loi sur la presse devrait être bientôt votée.

"Petit à petit, la liberté de la presse s'améliore", constate Wai Phyo, rédacteur en chef du Weekly Eleven News Journal, un bihebdomadaire qui s'est vu attribuer en décembre 2011 le prix RSF-Le Monde pour la liberté de la presse. "Nous sommes dans une période de transition. Certains médias essaient de repousser les limites de ce qui est autorisé. Mais on est évidemment encore très loin des standards du monde démocratique." Les articles consacrés à des sujets sensibles tels que les affrontements de l'armée avec les groupes armés de minorités ethniques ou les thèmes liés à l'environnement, restent bloqués par la censure. Dans son bureau, Wai Phyo montre l'un des derniers exemplaires d'Eleven Weekly où le stylo rageur du "surveillant" a rayé de rouge un article consacré à un projet de construction de port en eau profonde et d'une route reliant la Thaïlande à Dawei, dans le sud du pays. L'article faisait trop directement référence à l'impact environnemental du projet. Le directeur du bihebdomadaire, Than Htut Aung, se félicite du succès d'Eleven Weekly : "Nous tirons désormais à 350 000 exemplaires par semaine, soit une augmentation de 50 000 cette année. Plus la censure se relâche, plus nos ventes augmentent."

M. Than sait ce que censure veut dire : en 2003, la police l'a arrêté pendant deux jours et il a été tabassé : le chef des services secrets de l'armée lui en voulait... Son rédacteur en chef de l'époque a été condamné à mort avant d'être gracié et libéré deux ans plus tard. "Nous devons encore résister à de fortes pressions", remarque-t-il.

Dans son bureau de l'hebdomadaire Hot News, Mme Hay Nar, directrice de la publication, nous raconte tranquillement qu'être fille et épouse de généraux de l'ancienne junte ne l'a pas empêchée de fonder ce journal. Et d'oser publier des articles sur des questions sociales pas toujours politiquement correctes. "J'ai traversé des moments très difficiles, dit-elle. Parce que mon mari et mon père ont occupé des fonctions importantes dans l'armée, j'ai été accusée d'être une espionne du régime par l'opposition. Mais je suis traitée comme tout le monde : la semaine dernière, un papier sur la guerre avec les combattants de l'ethnie kachin a été interdit..." Mme Hay Nar, qui finance son groupe avec une entreprise de construction, avait tout d'abord fondé un magazine de mode. Elle se frotte désormais à la politique. Et elle est confiante sur la poursuite de l'évolution de la liberté d'expression : "Il n'y aura pas de retour en arrière. Pour le régime, cela serait du suicide !"

2012.01.14 Le Mondemoins-de-censure-pour-la-presse-birmane