"Les ressources minières du Myanmar nous intéressent et nous voulons en avoir un meilleur aperçu car la situation pourrait évoluer", explique le responsable d'un fonds de capital-investissement. Plusieurs décennies d'isolement ainsi qu'un sévère régime de sanctions occidentales contre le pouvoir militaire répressif ont fait du Myanmar l'un des pays les plus pauvres d'Asie, dont la survie dépend des milliards de dollars d'investissements chinois dans le secteur minier.

Mais, depuis que la junte a cédé le pouvoir à un gouvernement "civil" en mars dernier, le nouveau président Thein Sein a dévoilé une série de mesures qui ont relancé l'intérêt des investisseurs étrangers pour l'un des derniers marchés asiatiques encore non exploités. "Ici, les milieux économiques estiment que l'heure est venue", explique Wael Elmawie, qui réside au Myanmar depuis 1999 et dirige PEB Steel, une société libanaise de bâtiments métalliques préfabriqués. "Si le gouvernement revient sur les récentes évolutions, il perdra pour de bon la confiance du reste du monde."

Les investisseurs espèrent à présent que la visite début décembre 2011 de la secrétaire d'Etat Hillary Clinton permettra d'accélérer les réformes et poussera les Etats-Unis et l'Union européenne à alléger les sanctions qui empêchent de nombreuses sociétés occidentales de travailler dans le pays. Fin décembre, le milliardaire George Soros, dont la fondation fait entrer de l'aide dans le pays, a passé huit jours au Myanmar. Ce regain d'intérêt pour le pays est visible dans les grands hôtels de Rangoon où se pressent les délégations d'hommes d'affaires. De nombreuses multinationales se renseignent sur les opportunités commerciales, notamment dans les secteurs du gaz, du pétrole, des télécommunications et des biens de consommation.

Le potentiel du Myanmar ne fait aucun doute. Avant l'arrivée au pouvoir des militaires, c'était l'un des principaux exportateurs de riz en Asie. Le pays était une sorte d'entrepôt stratégique entre la Chine, l'Inde et le reste du Sud-Est asiatique. Outre un marché intérieur de 60 millions d'habitants, le pays est riche en ressources naturelles comme le pétrole, le gaz et divers minéraux. Le secteur touristique est également prometteur. L'année dernière, le pays a reçu 300 000 visiteurs, soit 10 % du nombre de touristes accueillis par son voisin le Laos, un pays bien plus petit.

Il reste toutefois de nombreux défis à relever. Il n'existe ni système bancaire, ni réseau de télécommunications, ni cadre légal efficaces, et l'économie reste contrôlée par une poignée de nantis fidèles au pouvoir. Et par le passé, les périodes de réforme ont été suivies de revirements spectaculaires. Pour l'heure, les investissements étrangers se concentrent dans les secteurs du gaz, du pétrole, de l'énergie hydroélectrique et des mines. La France, la Corée du Sud, la Thaïlande et surtout la Chine arrivent en tête. Ces entreprises créent relativement peu d'emplois, alors que leur activité a un coût environnemental très élevé pour les communautés locales, explique Sean Turnell, spécialiste de l'économie birmane à l'université Macquarie de Sydney, en Australie. Bref, elles ne font pas grand-chose pour créer "les fondations d'une future croissance".

Même si le gouvernement poursuit ses réformes, les investisseurs étrangers seront confrontés au manque de main-d'œuvre qualifiée. La junte a en effet négligé le système éducatif et fermé les universités pendant plusieurs années. "Les gens veulent un avenir meilleur, mais il faudra du temps pour les former", conclut Elmawie.

2012.01.13 Courrier International - les-investisseurs-occidentaux-reviennent-a-rangoon