L’artiste Ayeko est un des plus célèbres artistes contemporains birmans. Avec une trentaine de ses amis artistes, il a fondé le Mouvement "New Zero" afin d’offrir au public birman des stages gratuits et ouverts à tous sans discrimination : classes pour enfants, pour jeunes et pour adultes, peinture, vidéo, art numérique, performances… Les artistes du collectif financent ces activités en vendant leurs toiles et grâce à des donations de fondations étrangères.

Ayeko a le regard triste. Il évoque les trois années qu’il a passées en prison, comme tant de ses amis. "J’ai été mis à l’isolement pendant onze mois, raconte-t-il d’une voix dénuée de colère. Ce qui a sauvé ma santé mentale, c’est la méditation. J’ai médité 6-7 heures par jour pendant cette période. Je ne suis pourtant pas croyant. J’ai appris à méditer en lisant des livres." Aujourd’hui, Ayeko ne médite plus : "Je n’ai pas le temps, explique-t-il. Je ressens une très grande responsabilité vis à vis de mon pays, des jeunes. Savez-vous que nous n’avons pas un seul artiste contemporain digne de ce nom ? Il faudrait 10 ou 20 ans de maturation avant que l’on en voie apparaître un. Notre pays a été isolé si longtemps !"

Que pense-t-il des évolutions politiques récentes ? Est-il optimiste ? Ayeko secoue la tête : "J’ai bien peur que tout ça, ce soit de la poudre aux yeux. Des manœuvres pour obtenir la levée des sanctions occidentales qui limitent le champ d’action des généraux et portent préjudice au business. Ce que je crains, c’est que la junte revienne à ses bonnes vieilles habitudes, une fois les sanctions levées, cette fois avec la bénédiction des Etats-Unis… J’ai 48 ans, je n’ai plus guère de patience. Je veux voir la démocratie de mon vivant…"

2012.01.12 Nouvel Obs - Ayeko