Depuis 1949, une partie de l’ethnie Karen, peuple qui vit principalement dans une région frontalière de la Thaïlande et la Birmanie, a pris les armes pour lutter contre le pouvoir de Rangoun et revendiquer la création d’un Etat autonome. En réponse, l’armée régulière birmane s’est livrée à de nombreuses exactions : des milliers de victimes innocentes et d’habitants pacifiques ont été chassées de leurs villages et souvent contraintes aux travaux forcés, surtout après l’instauration de la dictature en 1962. Coupée du monde, la douleur des Karens est longtemps restée muette, même si le film de Sylvester Stallone «John Rambo» a permis une première médiatisation aux Etats-Unis du sort réservé aux ethnies minoritaires par la dictature birmane

Jeudi, des accords historiques ont été conclus, dont l’un sur l'arrêt des hostilités entre le KNLA et les forces gouvernementales, l'autre sur l'ouverture de discussions en vue d'un règlement politique de ce conflit et une autonomie progressive de la région. «Nous n'avons jamais été aussi confiants en ce qui concerne nos discussions. Comme la situation change partout, des négociations de paix sont maintenant inévitables. Nous devons les mener à bien», a déclaré Saw David Htaw, numéro deux de la délégation de la KNU, interrogé par Reuters.

Pour Rangoun, la principale motivation est d’ordre économique. La résolution des conflits ethniques est l'une des conditions fixées par les Occidentaux à la levée des sanctions toujours en vigueur et le pouvoir birman mise sur la construction de la Zone industrielle spéciale de Dawei, un projet d'un montant de 50 milliards de dollars sans précédent en Asie du Sud-Est. Il s'agira d'une immense zone portuaire qui comprendra un port maritime, une raffinerie de pétrole, une centrale thermique à charbon et une usine pétrochimique, dans la région de Tanintharyi, au sud de la Birmanie, proche de la frontière d'avec la Thaïlande. A terme, l'ambition est d'être un lien économique entre l'Inde et la Chine.

En décembre, un premier accord de cessez-le-feu a été conclu avec les rebelles Shan (Sud). En revanche, des discussions préliminaires avec l'Armée d'indépendance Kachin (KIA) ont été rompues en dépit de l'arrêt des opérations militaires ordonné par le président birman Thein Sein.

2012.01.12 Paris Match - cessez-le-feu-historique-avec-les-Karens

Cette trêve annoncée avec les Karens évoque donc la poursuite d'une véritable politique de « réconciliation nationale ». A ce stade, c'est certainement un bon début, d'autant que les deux parties sont optimistes.

Cependant un cessez-le-feu n'est pas « la paix » Après des décennies de guerre civile, d'exactions et d'exode pour des dizaines de milliers de gens, il faut beaucoup de temps pour rétablir les conditions de la confiance et d'un retour à une normalité qu'aucune génération vivante n'a véritablement connue. Il va notamment falloir, parmi les obstacles à surmonter, rallier l'ensemble des élites karens.

2012.01.12 Radio France Internationale -rangoun-fait-paix-karens