Confrontés à un déficit de femmes, les célibataires chinois sont de plus en plus nombreux à se payer une conjointe birmane. Un “marché aux esclaves” en pleine expansion.

Aba avait 12 ans quand elle s’est rendue en Chine pour la première fois. Comme des milliers d’autres adolescentes birmanes, Aba a été attirée en Chine sous de faux prétextes afin d’être vendue pour un mariage forcé. Les coups sont devenus son lot quotidien. Aba a aussi enduré les heures interminables de travaux agricoles exténuants sans être autorisée à communiquer avec sa famille ou même à sortir seule. Et puis, un jour, on lui a annoncé qu’elle était destinée à être mariée au fils de la famille qui l’avait achetée. Pour la plupart des Birmanes vendues comme esclaves ou presque, il n’y a pas d’issue heureuse. Elles sont promises à une vie de misère et de labeur. Certaines sont poussées au suicide. Personne ne sait combien de milliers de femmes sont conduites illégalement en Chine chaque année pour épouser des guang gun, ou “branches nues”, des célibataires qui ne parviennent pas à trouver de conjointes. La politique de l’enfant unique, vieille de trente ans, et la préférence chinoise traditionnelle pour les garçons ont créé un déséquilibre dévastateur entre les sexes. On estime aujourd’hui qu’en Chine 120 garçons naissent pour 100 filles. D’après l’Académie chinoise des sciences sociales, cela signifie qu’en 2020 quelque 24 millions d’hommes seront dans l’incapacité de trouver une épouse.

D’après la Kachin Women’s Association Thailand (Kwat), une ONG portant secours aux Birmanes vendues comme épouses en Chine, un quart des victimes ont moins de 18 ans. Le prix pour une femme birmane va de 6 000 à 40 000 yuans (750 à 5 000 euros), en fonction de son âge et de son apparence. Certaines seront revendues, quand on les jugera inutiles. “Une fois qu’elles ont enfanté, elles seront refourguées à une autre famille ou finiront dans l’industrie de la prostitution. Elles sont vraiment considérées comme de simples machines à faire des bébés.”

Même si la province du Yunnan est la première destination des victimes birmanes, elles sont nombreuses à finir dans le nord-est de la Chine, notamment dans les provinces du Shandong et du Jilin. En raison de la proximité du Jilin avec la Corée du Nord, les agriculteurs locaux ont pendant longtemps acheté leurs femmes chez leur voisin isolé. Mais depuis que la Chine et la Corée du Nord ont chacune renforcé leurs contrôles, le trafic d’êtres humains a décliné. Conséquence, les femmes birmanes sont de plus en plus prisées dans la région. L’immense majorité d’entre elles vient de l’Etat Kachin ou de l’Etat Shan, tous deux ayant une frontière avec le Yunnan.

2012.01.05 Courrier International