«La démocratie florissante et disciplinée» des généraux birmans laisse perplexe le chercheur Maung Zarni, qui y voit un «jeu de duplicité pour s'attirer la sympathie du monde et conserver sa mainmise sur le pays». Il note un décalage entre les réformes promises et les faits. «Le gouvernement prétend n'aspirer qu'à la paix avec les rebelles des minorités ethniques, mais les territoires frontaliers restent des zones de non-droit» pour les Shans, les Kachins, les Karens et les Mons.

«Pour accéder à la reconnaissance internationale, à la levée des sanctions économiques et obtenir l'assistance financière des institutions monétaires, le régime pourrait aller jusqu'à une certaine libéralisation économique, mais des réformes politiques sont improbables», estime Bertil Lintner, spécialiste d'une politique birmane pour le moins opaque. Les avancées ne pourraient être qu'un feu de paille : «Comme l'appareil de sécurité et les lois qui le légitiment restent en place, le régime peut faire machine arrière quand bon lui semble», observe David Mathieson, qui suit le dossier depuis quinze ans pour l'organisation Human Rights Watch. La Constitution, imposée au pays en 2008, au lendemain du cyclone Nargis, est truffée de garde-fous. L'article 396 réserve un quart des sièges des deux chambres du Parlement aux militaires. Et l'article 413 autorise le président à transférer les pouvoirs exécutifs au chef des forces armées.

«Le président Thein Sein n'est pas la version birmane de Gorbatchev», tranche Bertil Lintner, auteur de nombreux ouvrages sur la Birmanie. Plutôt qu'un réformiste, il voit dans l'ancien chef militaire du Triangle d'or un homme qui «joue habilement la carte chinoise pour obtenir le soutien de l'Occident». La suspension en septembre d'un barrage construit par les Chinois sur le fleuve Irrawaddy traduirait sa volonté de rééquilibrage géopolitique.

Quant au «dialogue» entre Aung San Suu Kyi et Thein Sein, il s'agit pour l'instant d'un seul entretien qui, pour l'opposant Maung Zarni «n'a pour but que de neutraliser la Dame», dont il «doute des capacités politiques à manipuler ses adversaires». En s'appropriant son discours de «transition pacifique vers la démocratie et la réconciliation», le régime lui coupe l'herbe sous le pied, s'inquiète-t-il.

À Naypyidaw, les dirigeants se considèrent toujours comme des demi-dieux et la Birmanie figure toujours parmi les pays du monde les plus à la traîne en termes de pauvreté, d'éducation, de soins et de corruption.

2011.11.21 Le Figaro - la-junte-birmane-se-rachete-une-conduite-internationale