Ce fut l’une des formidables images de 2010 : Aung San Suu Kyi, libre et heureuse, face à ses partisans rassemblés devant chez elle, le micro à la main, saisie par l’émotion après avoir passé quinze des 21 dernières années en détention, à son domicile ou en prison.

Un an après, les avancées sont réelles, même si, comme nous l’a souligné Mireille Boisson, coordonnatrice pour la Birmanie à Amnesty International, «le dégel reste relatif». Des nouvelles élections parlementaires sont prévues avant la fin de l’année et la Prix Nobel de la paix elle-même pourrait briguer un poste, Cette dernière ne veut d’ailleurs pas d’une révolution sur le modèle du printemps arabe, mais d’une transition démocratique et non-violence, que cela se passe dans le calme et la réconciliation, au risque de décevoir une partie de la diaspora.

Après la libération de quelque 230 prisonniers politiques le 12 octobre dernier, dont le comédien Zarganar, le pouvoir de Rangoon pourrait annoncer prochainement une nouvelle mesure d’amnistie. «Naturellement, des prisonniers présentés comme des prisonniers de conscience seront libérés très, très prochainement et les autres seront transférés dans des centres de détention proches de leurs familles», a indiqué à Reuters une source du ministère de l’Intérieur. Un nouveau signe en direction de l’Occident et du monde entier, qui pourrait intervenir le jour de l’ouverture à Bali, en Indonésie, du sommet des pays de l'Asean, l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est. Ce n’est bien sûr pas un hasard. «Le pouvoir en place ne veut pas manquer le train du développement économique de la région», nous a précisé Mireille Boisson, et le président Thein Sein – qui a par ailleurs pour conseiller économique un proche d’Aung San Suu Kyi – espère prendre la tête de l’Asean en 2014. «La Birmanie essaie de redorer son image», d’autant qu’il s’agit là à la fois d’une affaire économique et de prestige, avec des négociations en cours avec le Fonds monétaire international. La Chine joue également un rôle important… et pragmatique.

«Elle veut la paix à ses frontières pour ne pas récupérer 30 000 réfugiés supplémentaires du combat avec les Shan (ethnie minoritaire de Birmanie, réprimée par Rangoon, Ndlr)». Mais bien sûr, dans ce cadre idyllique tel qu’aimerait qu’il soit présenté, il y a encore des luttes à mener. Les lois qui ont permis l’enfermement arbitraire des opposants politiques n’ont pas été abrogées. Des divisions supplémentaires de l’armée birmane ont été envoyées dans le sud-est du pays, afin de mater la rébellion des Karens, qui s’opposent à la construction d’une route qui saccage une partie des ressources naturelles. Aung San Suu Kyi, elle-même, reste donc méfiante. «Elle nous demande de rester observateur des évolutions en cours en Birmanie», conclut Mireille Boisson. Amnesty International lance ainsi un nouvel appel à la libération de tous les prisonniers politiques birmans. Emprisonné depuis 2007, torturé à de multiples reprises, le cas du moine bouddhiste U Gambira inquiète également

2011.11.14 Paris Match - Aung-San-Suu-Kyi.-Un-an-apres-sa-liberation