Parent pauvre des forces de sécurité sous la junte, la police birmane est aujourd'hui sous pression pour assumer son rôle de maintien de l'ordre, tiraillée entre ceux qui dénoncent ses interventions musclées et ceux qui lui reprochent une inaction coupable.

Il n'y pas si longtemps, les manifestations étaient dispersées par des soldats armés jusqu'aux dents. Mais depuis que la junte a cédé la place à un régime réformateur en 2011, l'usage de la force est présenté comme le "dernier recours" et le maintien de l'ordre incombe à une police démunie.

"Nous n'avons jamais été correctement équipés", explique un officier sous couvert de l'anonymat, revendiquant 20 ans de carrière. Uniformes, casques, talkies-walkies, gilets pare-balles, véhicules, formation : tout manque. "Nul ne se souciait de la police sous le gouvernement militaire. Nul ne s'en soucie non plus aujourd'hui. Mais nous sommes les premiers accusés".

Et les défis sont légion au fur et à mesure que la société teste les limites de sa nouvelle liberté. Fin 2012, la dispersion d'opposants à une mine de cuivre chinoise dans le centre du pays a tourné au désastre. Des dizaines de civils et des moines bouddhistes ont été grièvement blessés par du phosphore. Des scènes que Birmans et communauté internationale croyaient révolues, mais qui sont d'abord le produit d'une incompétence, selon Jim Della-Giacoma, expert de l'International Crisis group (ICG). "Ils ont pris ce qu'ils croyaient être des bombes fumigènes inoffensives dans un arsenal militaire, et ont appris de la pire des façons qu'elles contenaient du phosphore", a-t-il expliqué à l'AFP.

La police a en revanche été accusée d'inaction, voire de complicité, par des organisations de défense des droits de l'Homme après les violences qui ont opposé bouddhistes et musulmans depuis près d'un an. "Ils sont restés là en regardant", regrette Win Htein, député de la ville pour la Ligue nationale pour la démocratie (opposition). "Je ne sais pas si les policiers n'ont rien fait parce qu'ils n'avaient pas d'ordre, ou s'ils ont été lents à réagir parce qu'ils avaient été accusés dans la répression de la mine de cuivre".

A chaque fois, le gouvernement a dû avoir recours à l'état d'urgence et à l'armée pour ramener le calme. "Les forces de police locales ne sont pas formées pour le contrôle des émeutes", a admis à l'AFP Ye Htut, porte-parole du président Thein Sein. "Quand les émeutiers arrivent dans cinq ou six endroits en même temps, ils ne peuvent pas contrôler la situation".

La police a besoin d'une doctrine politique et d'une profonde réorganisation, assure à cet égard Jim Della-Giacoma. Elle devra "se débarrasser réellement de sa mentalité autoritaire et devenir une police de service, plutôt qu'une force".

2013.04.11 Le Nouvle Obs