L’apprentissage de la démocratie se fait dans la douleur. Largement contenues sous le régime de la junte, les violences interreligieuses se multiplient depuis un an et ont redoublé d’intensité ce week-end.

Les premiers troubles ont éclaté le 20 mars 2013 à la suite d’une banale altercation entre un commerçant musulman et des vendeurs d'or bouddhistes. 32 morts, des bâtiments et des mosquées incendiés, l’état d’urgence a été décrété. L’armée a repris le contrôle de la ville, mais la violence s’est alors déplacée vers le sud, en direction de la capitale, Naypyidaw.

Un habitant de Meikhtila explique que « les forces de l’ordre se sont contentées de faire des rondes dans la ville. Elles n’interviennent pas pour empêcher les émeutiers de brûler les mosquées et les maisons (des musulmans). Le gouvernement n’est pas sincère. Il veut créer le chaos pour faire croire que l’armée joue un rôle crucial dans le maintien de l’intégrité du pays ».

Les politiciens locaux ont également accusé les forces de sécurité de ne pas en faire assez pour éviter le carnage. Min Ko Naing, un leader du groupe Génération étudiante 88 allant jusqu’à expliquer que les militaires se tenaient près des lieux des massacres sans intervenir.

Depuis ces manifestations de violence, des milliers de musulmans Rohingya - y compris un nombre croissant de femmes et d'enfants - ont fui le conflit en embarcations de fortune, beaucoup en direction de la Malaisie.

Les musulmans sont venus en masse du sous-continent indien s’installer en Birmanie pendant le régime colonial britannique, qui a pris fin en 1948. Mais en dépit de leur longue présence sur le territoire, ils n'ont jamais été pleinement intégrés.« Les Birmans ont toujours développé une conception raciale de la nation, très éloignée du « vouloir vivre ensemble ». Etre birman, c’est appartenir à une communauté quasi endogamique fondée sur une pureté raciale, ainsi que sur une morale bouddhiste. L’Etat birman leur reconnaît un droit de cité. Mais ils restent victimes d’une implacable ségrégation et d’un apartheid largement encouragé par le reste de la société birmane.

Une analyse partagée par International Crisis Group: « La Birmanie est un pays avec des dizaines de lignes de faille localisées et nous commençons tout juste à percevoir et comprendre les griefs qui ont été contenues pendant le contrôle du pouvoir par la junte. C'est un des paradoxes de cette période de transition qui autorise plus de liberté, mais exacerbe les conflits locaux et inter-communautaires ».

2013.03.26 Marianne La Birmanie au bord de l’apartheid ?