"This is a mad country…”, lâche, dépité, un jeune homme d’une vingtaine d’années à l’adresse du seul Occidental présent dans ce café internet de Myitkyina, la capitale de l’état de Kachin.

Un “pays fou”, c’est tout ce que lui inspire, entre colère et lassitude, la énième coupure de courant de la journée. Celle-ci a anéanti brutalement l’écriture de son mail après trente minutes d’attente pour se connecter.

“Le débit est si lent que je n’ai pas le courage de recommencer aujourd’hui. On verra demain”. Et il ajoute avec une prudence de principe: “Enfin, si les combats ne reprennent pas. Sinon, ils risquent de tout bloquer”. La semaine dernière encore, le choc de l’artillerie résonnait dans Myitkyina.

À l’origine du conflit, le projet de construction d’un gigantesque barrage hydroélectrique à Myitsone, au nord de Myitkyina. Ce projet financé par la Chine est dénoncé comme une catastrophe écologique et humaine par ses nombreux opposants.

Comme le note l’agence Églises d’Asie, “l’armée affirme n’avoir fait que défendre les employés chinois du barrage en construction, tandis que la KIA dénonce des attaques à l’arme lourde des forces armées venues en masse sécuriser la zone du chantier”. “Hier encore, raconte une habitante de Myitkyina, plusieurs bus remplis de soldats de l’armée birmane ont traversé la ville. Dans un village proche, ils ont égorgé 80 poulets”.

Tout en renvoyant dos à dos les deux armées, l’évêque de Myitkyina, Mgr Francis Dau Tang, narre avec force détail les actes de torture et d’humiliation infligés l’été dernier par l’armée birmane à 70 soldats de la KIA.

Il dénonce surtout les attaques de civils et les ravages causés par les mines antipersonnel dans toute la région. “L’ONU et les États-Unis devraient venir ici pour voir ce qui se passe vraiment, au lieu de se contenter des paroles du gouvernement. Il y a tant de pourriture sous les belles réformes qui cachent la répression des rébellions ethniques. Ici, on est en enfer…”

2013.01.15 youphil.com