Lancée il y a douze ans pour aider les familles les plus démunies à enterrer leurs morts, la « Free Funeral Service Society » (FFSS), co-fondée par l'acteur Kyaw Thu, s’est vite développée pour pallier les ratés du régime.

Malgré la censure, les donations ont permis de construire une clinique et des salles de classe. Soins et enseignements sont gratuits. « Nous faisons ce que le gouvernement devrait faire », soupire celui que ses amis ont surnommé « l’homme le plus occupé de Birmanie ». La clinique tourne à plein régime et, l’année dernière, l’association a financé l’enterrement de plus de 15.000 personnes.

Mais Kyaw Thu veut maintenant mettre le paquet sur l’éducation. « J’ai honte de mon faible niveau d’anglais », explique-t-il. Alors pour rectifier le tir, il travaille à faire émerger une nouvelle élite birmane, loin des treillis et de la « tea money ».

Pour l’instant, le régime a laissé la FFSS tranquille. Mais les Birmans ont appris à se méfier. Kyaw Thu a connu arrestation et brimades après avoir soutenu les étudiants en 1988 et les moines en 2007. Son interdiction de jouer n’a été levée qu’il y a quelques mois. « L’idée que nous avançons vers la démocratie va mettre du temps à être assimilée. C’est toute une mentalité qu’il faut changer », explique l’ex-acteur qui déplore que beaucoup de Birmans croient encore dans les vertus d’un billet glissé sous la table. En 2012, l’ONG Transparency International place la Birmanie parmi les cinq pays les plus corrompus de la planète.

« On nous répète que la Birmanie est pleine de ressources naturelles et que l’on peut se reposer sur elles, mais ce dont nous avons vraiment besoin, c’est d’infrastructures, de technologies, d’innovations et surtout, d’un changement de mentalité. ». Dans les librairies de Rangoon, on trouve des rayons entiers d’exercices pour s’entraîner à l’IELTS et au TOEFL, des tests de langue anglaise. Le gouvernement donne aussi des signes encourageants. Il a récemment annoncé être en discussion avec l’université John Hopkins aux Etats-Unis et l’Université de Montpellier en France pour ouvrir des partenariats. Plus de 1.500 nouveaux professeurs auraient été recrutés et une partie d’entre eux doit être formée par le British Council. Mais de l’avis de tous, le niveau du système éducatif birman reste déplorable. Surtout, il n’est accessible qu’aux plus aisés. Les jeunes Birmans préfèrent donc imprimer les paroles des chansons de Justin Bieber et harponner les touristes, cahier à la main, pour parfaire leur anglais.

Kyaw Thu espère bien qu’un jour son association n’aura plus lieu d’être. Quand un gouvernement élu et compétent prendra les choses en main. Quand « ses » étudiants auront grandi.