La journaliste Sophie Ansel a co-écrit un livre avec Habiburahman, membre de l'ethnie des Rohingyas.

Contrairement aux réfugiés bouddhistes qui sont beaucoup moins nombreux et jouissent de la liberté de circulation et reçoivent l’aide du gouvernement, les musulmans ne reçoivent pratiquement aucun soin et aucune aide alimentaire. Éventuellement de manière symbolique lors des rares visites officielles. La situation sur le terrain est tragique et désespérée. Chaque semaine apporte son lot de violence avec une intensité variable. Des dizaines de milliers de maisons de Rohingyas ont été brûlées et les foyers continuent de brûler et d’autres se sont enflammés après le discours d’Obama. Une centaine de milliers de Rohingyas sont parqués dans des camps dont ils n'ont pas le droit de sortir. Ils sont terrifiés d'abord par les gangs de Rakhines qui les entourent mais aussi par la police et les militaires qui ont eu leur part dans les violences. Des travailleurs d’organisations humanitaires Rohingyas ont été arrêtés. Beaucoup d'hommes ont été arrêtés et ont disparu. Ils sont des milliers sans abris, sans accès à la nourriture. Sans accès à des tentes. Sans accès aux soins médicaux. Les femmes, les enfants et les personnes âgées souffrent, sont les premières victimes et selon des sources sur place, ils sont obligés d’enterrer les corps des morts dans les camps. Il est urgent d’envoyer de véritables observateurs et enquêteurs sur l’ensemble des zones pour mesurer l’ampleur de ce qui s’est passé depuis le mois de juin.

Aucune médiation n'est organisée. Les Rohingyas subissent la loi de la majorité, alimentée par une extrême violence, une propagande qui les stigmatise depuis des décennies et une haine nationale nourrie par des médias birmans partisans et dont l’éthique journalistique naissante est très contestable. Une commission d’enquête a par ailleurs été organisée officiellement pour établir les responsabilités des violences. Mais elle est très contestée à la fois par son manque de neutralité et son inaction. Son existence semble uniquement vouée à faire gagner du temps en montrant à la communauté internationale une apparente volonté de régler le conflit. La vie d’un Rohingya n’a pas de valeur aux yeux de la majorité des birmans dont certains ne les considèrent pas plus que des animaux et ne s’en cachent pas. Particulièrement dans l’Arakan

En utilisant le terme Rohingyas, Obama reconnait clairement l’ethnie. Ce qui est une initiative remarquable. Il faut espérer que le discours d'Obama sera une inspiration pour Aung San Suu Kyi et son parti et pour les autres partis ethniques et qu’il donne à la prix Nobel de la paix le courage des mots face aux préjugés de toute une nation. Malheureusement, la majorité de la population birmane ne parle pas anglais et la télévision nationale Myanmar State Television (MRTV) a arrêté la traduction simultanée lorsqu’Obama a commencé à prononcer le mot Rohingya. Il est donc peu probable que la portée de son message n’ait atteint la majorité du peuple et n’ait bouleversé les préjugés comme il pourrait le faire si le message avait atteint l’ensemble du peuple.

2012.11.20 Paris Match Le massacre sans fin des Rohingyas