Il y a six mois, Aung Mingalar était un quartier musulman parmi d'autres à Sittwe, ville de l'ouest birman à majorité bouddhiste. Mais après des violences meurtrières, des barbelés sont apparus, le transformant en ghetto, poche misérable où croupissent des milliers de Rohingyas.

Les rares visiteurs qui passent les barbelés en montrant patte blanche aux forces de l'ordre pénètrent dans un autre monde. Ici vivent, selon différentes estimations, entre 3.000 et 8.000 de ces musulmans apatrides dont personne ne veut.

La plupart des magasins sont fermés, aucun véhicule ne circule et les rares marchands proposent surtout du bétel, une plante à mâcher. Les autorités disent fournir de la nourriture et certains bouddhistes organisent discrètement du ravitaillement. Mais pas assez. "Cela fait de nous des mendiants".

La peur est alimentée par les défilés, notamment de moines, organisés pour réclamer la "relocalisation" d'Aung Mingalar. "Tant que les (Rohingyas) sont ici, il y a la peur, la discorde et la colère. Je veux qu'ils s'en aillent", explique une Rakhine réfugiée dans un monastère.

"Cette barrière de bambou à l'entrée semble une barrière psychologique de la peur qui sépare deux mondes", résume Chris Lewa, responsable de l'association The Arakan Project, qui milite pour les droits des Rohingyas. En périphérie de Sittwe, plus de 50.000 Rohingyas sont confinés dans des tentes de toile blanche plantées dans la boue, des abris de bambou ou des écoles surpeuplées. Les quelques milliers de déplacés rakhines vivent, eux, dans des monastères ou des camps en ville où ils peuvent se déplacer librement. Cette "ségrégation m'a rappelé l'Afrique du sud dans les années 80", dénonce Chris Lewa en référence à l'apartheid. Mais "en pire", parce que les noirs "pouvaient travailler dans les villes des blancs avec un laissez-passer".

L'ONU garde espoir et maintient un dialogue. "Le gouvernement nous a expliqué que le but était de contrôler les violences, qu'il s'agissait d'une séparation temporaire, pas une ségrégation", assure Ashok Nigam, patron des Nations unies à Rangoun.

2012.10.19 Le Nouvel Obs le-quartier-musulman-est-devenu-ghetto + VIDEO