Alors que le reste du pays s'extirpe de la dictature, les Kachin sombrent dans la guerre. Les troupes gouvernementales lâchent leurs chiens, qui tuent porcs et volailles, maigres ressources des paysans de ces forêts montagneuses. Dans leur avancée, les soldats birmans font des villageois leurs porteurs forcés. Les femmes craignent ces hommes en armes, des cas de viols ont été rapportés, certains militaires sont sous méthamphétamines.

La situation est assez préoccupante du point de vue kachin pour que l'état-major ait déménagé. Par sécurité, le quartier général, situé sur une colline dominant la ville, a été transféré dans un hôtel à une trentaine de mètres des gardes-frontières chinois. Le front le plus violent est certainement celui du contrôle du jade, le nerf de la guerre kachin. Les tirs sont nourris autour de la première mine de jadéite de la planète, Hpakant.

Au début, les réfugiés ne prennent pas trop au sérieux les exhortations chinoises. Mais en avril 2012, les agents chinois sont là tous les jours. Dans trois jours, le camp sera brûlé, menace-t-on. Voilà les réfugiés contraints de reprendre la route : "Le jour du départ, il y avait de nombreux policiers dans le camp, ils prenaient des photos." Certains repasseront pour tenter de récupérer les matériaux de construction des abris et constateront que le camp a été détruit.

La Chine a-t-elle renvoyé des réfugiés en zone de guerre ? La rébellion kachin se fait discrète sur le sujet, elle dépend de ce puissant voisin pour tout : de l'essence à la connexion Internet en passant par le riz et le réseau de téléphonie mobile.

2012.10.09 Le Monde L'errance des réfugiés kachin