Le cocktail à la mode s'appelle "formula", un mélange de sirop contre la toux et d'opium. Les toxicomanes en boivent sur les campus, dans certains cafés de rue et lors des festivals. "C'est comme s'ils n'avaient la cote que s'ils prenaient de la drogue", explique Ye Naung, 33 ans, un habitant de Taunggyi, capitale de l'Etat shan. Le nombre d'usagers de moins de 18 ans est assez important, désormais. D'autant que la drogue est facile à trouver: la Birmanie est le deuxième producteur mondial d'opium derrière l'Afghanistan, avec 23% de la production l'an passé et des zones cultivées en hausse constante entre 2007 et 2011.

Concernant les drogues de synthèse, autre "spécialité" de la région, l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) notait que"des quantités importantes de méthamphétamines"continuaient d'être fabriquée" en Birmanie, dont la majeure partie en Etat Shan. Officiellement, le gouvernement évalue les consommateurs à 150.000 personnes, la moitié par injection.

Le pays connaît une forte percée des méthamphétamines -- dont le "Yaba", très populaire en Asie du sud-est. Rien qu'en juillet, les saisies ont totalisé 1,4 million de pilules et 116 kilos d'héroïne. Le trafic est étroitement lié aux groupes rebelles qui ont combattu le pouvoir central aux confins du pays depuis des décennies, et dont certains se sont appuyés sur la drogue pour financer la guérilla. Et les cessez-le-feu signés par le pouvoir cette année n'ont pas tout réglé. En août, un policier de la brigade des stupéfiants a admis sous couvert de l'anonymat que la prévalence des stupéfiants devenait "très dangereuse", à Rangoun comme le long de la frontière, avec une circulation des amphétamines en forte hausse.

En arrière-plan se dessine l'état cadavérique du secteur sanitaire après 50 ans de négligence de la junte, au pouvoir jusqu'en mars 2011. Un tiers des toxicomanes seraient séropositifs, selon l'ONU. Et la méthadone n'est pas disponible pour aider les héroïnomanes à décrocher.

2012.09.19