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Le célèbre moine birman Shin Gambira , un des leaders de la "révolte safran" de 2007 qui avait été récemment amnistié, va être jugé pour être entré de force dans des monastères fermés par les autorités, rapporte, dimanche 19 février, le quotidien officiel News Light of Myanmar.

Gambira "va être poursuivi pour occupation illégale" d'un monastère à Rangoun et pour être entré de force dans deux autres, des infractions pour lesquelles il avait été interpellé puis libéré, le 10 février, au terme d'une journée de détention. Les autorités "ont entrepris des démarches légales pour qu'il soit jugé", selon le journal.

Gambira, condamné à 68 ans de prison pour sa participation à la "révolte safran", a fait partie des centaines de prisonniers politiques libérés en janvier. Les manifestations de 2007, au départ contre le coût de la vie, avaient attiré jusqu'à 100 000 personnes dans les rues de Rangoun, constituant le plus sérieux défi aux généraux depuis le soulèvement populaire de 1988. Le mouvement avait été écrasé par la junte alors au pouvoir, faisant au moins 31 morts.

L'arrestation du moine est intervenue alors que le régime birman multiplie les gestes d'ouverture depuis plusieurs mois dans l'espoir d'obtenir de sortir de son isolement. Elle a provoqué la réaction immédiate de Washington, qui a exhorté le gouvernement à libérer le moine "immédiatement et sans conditions et à apporter des explications quant à ce qui a motivé son arrestation".

2012.02.19 Le Monde le-pouvoir-birman-va-poursuivre-un-moine

À peine libéré, le moine Gambira, un des leaders de la révolte safran, risque à nouveau la prison.

Il a le courage tranquille de ceux qui acceptent de se mettre en péril pour ce à quoi ils croient. Ashin Gambira, ce moine birman qui avait mené en 2007 la «révolution safran» en Birmanie, une contestation populaire réprimée dans le sang, «n'accorde aucun crédit» à la «démocratie florissante et disciplinée» promise par le pouvoir militaire.

Le nouveau gouvernement, qui l'avait amnistié il y a à peine un mois pour prouver la sincérité de sa politique d'ouverture, a apparemment peu goûté les déclarations du trublion. On apprenait dimanche qu'il serait jugé pour être entré de force dans des monastères fermés par les autorités. Embarqué dans une rafle nocturne par dix hommes, Gambira, 33 ans, avait été détenu pour interrogatoire la semaine dernière.

«Bol retourné» Enrôlé de force dans les forces armées à l'âge de 12 ans, torturé et humilié dans des geôles infâmes, Gambira continue de défier le régime. Il n'a pas oublié qu'en 2007, les moines bouddhistes étaient attrapés au lasso, ligotés à des arbres et roués de coups de pied, que les monastères étaient mis à sac et les statues du Bouddha, décapitées pour récupérer les pierres précieuses dont elles sont incrustées. Pour tout cela, Gambira a l'impudence de réclamer des excuses. Pis, il rappelle que le mot d'ordre du «bol retourné» s'applique toujours aux généraux birmans. Cette excommunication est lourde de conséquences pour un bouddhiste: s'il ne sacrifie pas à l'aumône, il perd toutes ses chances d'accéder au nirvana.

S'il s'est lancé dans de surprenantes réformes, le régime sait que les monastères birmans ont toujours joué un rôle politique central. Une vingtaine de pagodes, qualifiées de «foyers d'activistes», sont cadenassées et récemment une cérémonie d'ordination d'une quarantaine de moines libérés en janvier a été interdite.

Plus de 800 prisonniers politiques croupissent encore en prison, selon l'association d'assistance aux prisonniers politiques basée en Thaïlande. Et «ceux qui ont été libérés sont en laisse. À la moindre incartade, ils retourneront purger la totalité de leur peine», expliquait récemment Gambira, qui avait été condamné à 68 ans de prison en novembre 2007.

2012.02.19 Le Figaro